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jean yanne - histoire triste lyrics

préface
lorsqu’un livre est sur le point d’être publié, l’éditeur demande à l’auteur ou à un petit camarade d’écrire une préface. cette préface doit aider le lecteur à mieux comprendre l’ouvrage. la façon dont on présente habituellement les disques nous paraît alors un peu légère, car la préface enregistrée n’est pas encore entrée dans les mœurs. s’il est nécessaire pour un livre d’être présenté, à plus forte raison, pour un disque, il est nécessaire de connaître les sources profondes qui peuvent inciter un individu apparemment normalement constitué à livrer sa voix, ses débordements et les épanchements de sa nature intime à l’impérissable avenir d’un microsillon, surtout s’il s’agit d’un microsillon 33 tours en résine de vinylite. en effet, livré à lui+même, aux prises avec le miroir magnétique d’un appareil enregistreur, le subconscient délivré des contingences de l’avis social intrinsèque et privé des limites du contexte intellectuel satellisant le continuum cervical, la scissure calloso+marginale et la prescience de son ensoi psych+n+lytique dont l’essence triphasée n’est qu’un [?] obnubilant, l’interprète risque d’oublier la cause même de sa présence et son texte manque de clarté. en conséquence, pour aider à comprendre dans quel état d’esprit ce disque a été réalisé, il était impossible de ne pas citer quelques anecdotes importantes qui décidèrent véritablement de ma carrière
un jour, un de mes amis, en voyage d’études au pôle, où il se proposait d’étudier le complexe d’œdipe, mêlé à une forte dose d’hermaphrodisme contrarié et laborieux chez les peuplades mammifères carnivores mâles des régions sensitoires et dubitatives du cercle arctico+colloïdal, découvrit dans une crevasse qu’il avait au médius de la main gauche, une sorte de libidinus crimatinae. croyant qu’il s’agissait d’un dicotylédone dialypétale passifloracée ordinaire, il le rapporta dans un sac au muséum national d’astronautique où je le vis le dimanche suivant. je l’admirais fortement lorsque le polytechnicien suédois qui me servait de guide me démontra qu’il s’agissait en réalité d’un saccharomyces microderma acétique, vulgairement appelé chou de bruxelles, ce qui me fit beaucoup de chagrin et fut une des raisons pour lesquels j’entrepris derechef ma croisade contre l’injustice. voilà aussi pourquoi il était nécessaire pour ce disque de faire une préface
mais, une anecdote en appelle une autre, au mois de janvier, un jeune pianiste, chirurgien amateur, décida de faire un sublimé corrosif d’acide acétylaminohydrophénylarsénique, mais il oublia d’y mettre de la potasse. l’histoire peut paraître cocasse à certains esprits, mais il faut proclamer ouvertement qu’une erreur de cette envergure eût été évitée si les méthodes éducatives modernes ne prédisposaient pas la jeunesse à un certain cynisme. c’est en fonction de ces problèmes qu’il était nécessaire pour ce disque de faire une préface
enfin, il faut aussi l’avouer, si l’on considère qu’un disque microsillon 33 tours en résine de vinylite doit avoir une durée moyenne de vingt minutes et que, sans cette préface, il eût été trop court, on comprend aisément pourquoi, pour ce disque, il était nécessaire de faire une préface

je voudrais pas laisser se terminer cette soirée sans vous chanter quelque chose, et ceci pour deux raisons. la seconde, c’est que la plupart des gens pensent que le tour de chant doit être amusant ou distrayant, ce qui n’est pas du tout mon avis. en effet, je pense que c’est simplement un prétexte pour se pencher de plus en plus vers le social, et c’est dans ce sens que j’essaie du mieux que je peux d’apporter mon message. je suis assez qualifié pour cette tâche, car, depuis très longtemps, je m’intéresse à la psychologie, à la sociologie psychologique, à la psychologie démonologique, à la démonologie sociale et parapsychique, et j’ai effectué une assez grande quantité de voyages. je suis allé notamment dans la sarthe, qui est un département vinicole et, dans la sarthe, j’ai couru les librairies, car il n’y a pas énormément de casinos. et je me suis rendu compte d’une chose effarante, c’est que, dans la sarthe, malraux se vend très mal. je dois dire que ça m’a causé une profonde déception, et ça m’a incité à me livrer auprès des personnalités paysannes à une série d’enquêtes d’où il ressort qu’à notre époque, on ne tient absolument plus aucun compte de l’œuvre prodigieuse de rouget de lisle, ce qui est une véritable catastrophe, quand on pense que rouget de lisle a été un des plus merveilleux poètes que nous ayons jamais eus, qu’il a écrit des textes d’une grande beauté et d’une originalité certaine dans un vocabulaire très précis, dans un langage très fleuri, et qui a, pour beaucoup, contribué au prestige littéraire que nous avons auprès des nations étrangères. j’ai cherché longtemps pourquoi rouget de lisle n’avait plus, à notre époque, la faveur du grand public, et je pense avoir découvert que c’est parce que rouget de lisle, à côté de ses merveilleux textes, tenait absolument à écrire de la musique et, malheureus+m+nt, n’a jamais été capable d’écrire de la musique commerciale. il a bénéficié d’un lancement considérable, il a écrit cette musique à une époque où c’était vraiment le genre de chansons qui marchait ; il a d’ailleurs été soutenu par quantité d’orchestres, mais, malheureus+m+nt, il n’a jamais su toucher le dancing et vous savez que, pour réussir dans la chanson, il faut faire de la musique spécifiquement bal+musette. or, on peut constater avec tristesse, que marino marini, par exemple, n’a presque jamais enregistré de rouget de lisle, et je crois qu’il faut le déplorer. quand j’ai pris conscience de tous ces problèmes essentiels et relatifs à notre vie journalière et quotidienne, j’ai décidé de ramener les grandes foules vers les sources de l’art authentique, et c’est dans cet esprit que je voudrais vous chanter ce soir une chanson qui a pour but de réconcilier le clergé et la masse ouvrière, et qui s’intitule l’histoire triste

[couplet unique]
une dame de charité
qui voulait jouer du piano
un matin s’en est allée
à rio de janeiro
oui, mais là+bas, quel malheur
elle n’a jamais pu trouver
un assez bon professeur
pour pouvoir lui inculquer
les notions élémentaires
pour user de l’instrument
pour pas vivre dans la misère
elle entra dans un couvent
ainsi, vous voyez l’histoire
elle eût pu être virtuose
mais le destin, qu’est bizarre
ne lui permit pas la chose
mais, aussi, quelle drôle d’idée
quand on veut jouer du piano
que de vouloir s’en aller
à rio de janeiro

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