louis vierne - les djinns, op. 35 lyrics
murs, ville
et port
asile
de mort
mer grise
où brise
la brise
tout dort
dans la plaine
naît un bruit
c’est l’haleine
de la nuit
elle brame
comme une âme
qu’une flamme
toujours suit
la voix plus haute
semble un grelot
d’un nain qui saute
c’est le galop
il fuit, s’élance
puis en cadence
sur un pied danse
au bout d’un flot
la rumeur approche
l’écho la redit
c’est comme la cloche
d’un couvent maudit
comme un bruit de foule
qui tonne et qui roule
et tantôt s’écroule
et tantôt grandit
dieu! la voix sépulcrale
des djinns!… + quel bruit ils font!
fuyons sous la spirale
de l’escalier profond!
déjà s’éteint ma lampe
et l’ombre de la rampe..
qui le long du mur rampe
monte jusqu’au plafond
c’est l’essaim des djinns qui passe
et tourbillonne en sifflant
les ifs, que leur vol fracasse
craquent comme un pin brûlant
leur troupeau lourd et rapide
volant dans l’espace vide
semble un nuage livide
qui porte un éclair au flanc
ils sont tout près! + tenons fermée
cette salle ou nous les narguons
quel bruit dehors! hideuse armée
de vampires et de dragons!
la poutre du toit descellée
ploie ainsi qu’une herbe mouillée
et la vieille porte rouillée
tremble, à déraciner ses gonds
cris de l’enfer! voix qui hurle et qui pleure!
l’horrible essaim, poussé par l’aquillon
sans doute, o ciel! s’abat sur ma demeure
le mur fléchit sous le noir bataillon
la maison crie et chancelle penchée
et l’on dirait que, du sol arrachée
ainsi qu’il chasse une feuille séchée
le vent la roule avec leur tourbillon!
prophète! si ta main me sauve
de ces impurs démons des soirs
j’irai prosterner mon front chauve
devant tes sacrés encensoirs!
fais que sur ces portes fidèles
meure leur souffle d’étincelles
et qu’en vain l’ongle de leurs ailes
grince et crie à ces vitraux noirs!
ils sont passés! + leur cohorte
s’envole et fuit, et leurs pieds
cessent de battre ma porte
de leurs coups multipliés
l’air est plein d’un bruit de chaînes
et dans les forêts prochaines
frissonnent tous les grands chênes
sous leur vol de feu pliés!
de leurs ailes lointaines
le battement décroît
si confus dans les plaines
si faible, que l’on croit
ouïr la sauterelle
crier d’une voix grêle
ou pétiller la grêle
sur le plomb d’un vieux toit
d’étranges syllabes
nous viennent encor
ainsi, des arabes
quand sonne le cor
un chant sur la grève
par instants s’élève
et l’enfant qui rêve
fait des rêves d’or
les djinns funèbres
fils du trépas
dans les ténèbres
pressent leur pas;
leur essaim gronde;
ainsi, profonde
murmure une onde
qu’on ne voit pas
ce bruit vague
qui s’endort
c’est la vague
sur le bord;
c’est la plainte
presque éteinte
d’une sainte
pour un mort
on doute
la nuit…
j’écoute: +
tout fuit
tout passe;
l’espace
efface
le bruit
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